Comment allier transition bas-carbone et biodiversité grâce à l'agroforesterie ? Témoignage d'un agriculteur

Comment concilier transition bas-carbone et préservation de la biodiversité à l’échelle d’une ferme ? Quels leviers concrets activer, et comment les rendre compatibles avec la réalité du terrain ?
C’est tout l’enjeu de la démarche engagée par Grégory Delassus, éleveur dans le Nord, et Gilles Durlin, agriculteur et président de l’AOPEN Dairy. Tous deux ont partagé leur retour d’expérience lors de la conférence CarbonConnect, à travers un atelier consacré à l’agroforesterie. Une session riche d’enseignements pour tous les acteurs agricoles qui cherchent à allier résilience climatique, diversité biologique et modèle économique viable.

Agroforesterie : un mot qui évoque des haies, des arbres, des vergers. Mais aussi beaucoup d’interrogations sur sa mise en œuvre, sa rentabilité, et ses effets réels sur le climat et la biodiversité. Pendant longtemps, ce mode de production a été marginalisé. Aujourd’hui, il revient sur le devant de la scène, comme une solution d’avenir. Grégory Delassus, éleveur de porcs bio à la Ferme du Beau Pays, en témoigne :

« Je me suis lancé dans l’agroforesterie pour améliorer le bien-être de mes animaux et la fertilité des sols. Mais je ne voulais pas que ça reste une intuition : je voulais des chiffres. »

C’est ce besoin de quantification, de démonstration, qui l’a amené à collaborer avec Agoterra sur la mesure de l’empreinte carbone de sa ferme. Une mesure qui révèle un point fondamental : les pratiques agroécologiques, dont l’agroforesterie, permettent de stocker du carbone dans les sols et la biomasse, mais aussi de préserver ou restaurer des habitats pour le vivant.

De son côté, Gilles Durlin, président de l’AOPEN Dairy (Association des Organisations de Producteurs Éleveurs Novateurs Dairy), rappelle que les arbres ont longtemps été vus comme des concurrents des cultures. Pour inverser cette vision, il plaide pour un changement d’échelle, dans les esprits comme dans les territoires :

« On ne peut plus parler de carbone ou de biodiversité sans parler d’agriculture. Il faut remettre les arbres dans les fermes. »

Cette revalorisation passe par l’appui technique, mais aussi par une évolution des politiques publiques et des dispositifs d’incitation. À l’heure où les plans climat et les stratégies biodiversité se construisent à tous les niveaux (entreprises, filières, territoires), les agriculteurs attendent de la cohérence et du soutien pour ne pas porter seuls cette double transition.

Agroforesterie : quels bénéfices carbone et biodiversité ?

L’atelier a permis de revenir sur les contributions multiples de l’agroforesterie :

  • Stockage de carbone dans les sols et la biomasse
  • Réduction de l’érosion et maintien de la fertilité
  • Création de microclimats bénéfiques aux cultures
  • Restauration des habitats pour la faune et la flore
  • Bien-être animal amélioré (ombrage, abris)
  • Diversification des productions (bois, fruits, etc.)

Mais aussi sur les difficultés rencontrées : investissement initial, complexité réglementaire, temps long de retour sur investissement. Pour lever ces freins, les intervenants insistent sur l’importance de la mesure, du partage d’expérience, et de l’accompagnement par les coopératives, les associations et les institutions.

Mesurer pour convaincre, transmettre pour essaimer

En s’appuyant sur la méthode Label Bas-Carbone ou d’autres outils comme les diagnostics biodiversité, les agriculteurs peuvent quantifier l’impact positif de leurs pratiques. Cette objectivation est essentielle pour accéder aux financements, embarquer d’autres acteurs, et donner du poids à leurs démarches.

Grégory Delassus insiste :

« On ne peut pas faire tout ça sans preuve. Mesurer, c’est montrer que ça marche, et que c’est duplicable. »

L’essaimage est en effet au cœur du propos. En partageant leurs expériences à CarbonConnect, les deux agriculteurs espèrent inspirer d’autres exploitants, mais aussi des décideurs, des transformateurs et des distributeurs. Car la transition agroécologique ne se fera pas en silo : elle implique toute la chaîne de valeur.

Conclusion

Réconcilier climat, biodiversité et agriculture, c’est possible. L’agroforesterie en est une voie concrète, déjà mise en œuvre sur le terrain. Encore faut-il l’accompagner, la rendre visible, et lui donner les moyens de s’amplifier. Les témoignages entendus à CarbonConnect nous rappellent une chose simple : les agriculteurs sont prêts à bouger. À nous de les suivre – et de les soutenir.

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