Communiquer sur ses actions de contribution bas carbone

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Communiquer sur ses actions de contribution bas carbone
Camille Poutrin

Engager son entreprise dans une démarche bas carbone est un processus nécessaire mais complexe, souvent mal compris d’un grand public de plus en plus exigeant. Le risque ? Qu’une action à vocation environnementale fasse l’objet d’une campagne de dénigrement et d’accusations de greenwashing.
Alors que peut-on légitimement utiliser comme éléments de communication ? Quelle posture adopter en tant qu’entreprise pour communiquer sur sa démarche bas carbone ?

La réponse avec
Camille Poutrin, cheffe de projet agro/carbone vivant chez Greenflex.

Qu’est-ce que la neutralité carbone, aussi appelé Net Zero CO2 émissions ?

Selon le GIEC, la neutralité carbone est une “situation dans laquelle les émissions anthropiques nettes de CO2 sont compensées à l’échelle de la planète par les éliminations anthropiques de CO2 au cours d’une période donnée”. En clair, il s’agit d’une situation hypothétique où les émissions de gaz à effet anthropiques sont contrebalancées par des puits de carbone.
On ne peut donc parler de neutralité carbone qu’à échelle mondiale, et toute campagne utilisant des expressions telles que “neutre en carbone” ou “empreinte carbone nulle” pourrait légitimement faire l’objet de critiques, car ces expressions sous-entendent que le bien ou le service n’a aucun impact sur le climat ce qui déresponsabilise le consommateur.

De même, selon l’ADEME on ne peut dire qu’un bien ou un service est “neutre en carbone” même si l’on compense les émissions de CO2 émises par sa production. L’étape de compensation ne doit intervenir qu’à la fin d’une stratégie bas carbone de long terme qui se présente comme ceci (voir 3eme partie pour plus de détails) :

  1. La première étape consiste à mesurer les émissions de l’entreprise lors d’un bilan carbone exhaustif.
  2. La deuxième étape consiste à mettre en place une stratégie de réduction des émissions en actionnant un certain nombre de leviers bas carbone.
  3. La troisième étape consiste à compenser les émissions de CO2 inévitables (appelées résiduelles) en finançant de stockage de carbone afin de contribuer à la neutralité carbone mondiale.

Agir pour la neutralité carbone

Que dit la loi concernant le greenwashing ?

L'arsenal législatif se durcit de plus en plus pour faire face aux pratiques de greenwashing.
Récemment la Loi Climat et Résilience (2021) a apporté des précisions concernant ce qu’il est autorisé ou non d’utiliser dans sa campagne de communication :

  1. L’interdiction des pratiques publicitaires « trompeuses »

L'amendement n°5419 permet de reconnaître comme « trompeuse » toute pratique commerciale qui consiste à « laisser entendre ou à donner l'impression qu'un bien ou un service a un effet positif ou n'a pas d'incidence sur l'environnement ou qu'il est moins néfaste pour l'environnement que les biens ou services concurrents ».

  1. La mention « neutre en carbone » interdite

L'amendement n°4981 précise que « Est interdit, dans une publicité, le fait d'affirmer à tort qu'un produit ou un service est neutre en carbone, dépourvu de conséquences négatives sur le climat, ou toute autre formulation ayant une finalité et une signification similaires. »

Avant d’annoncer une service ou un produit est neutre en carbone, les entreprises devront justifier d’un “un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l’ensemble de son cycle de vie”.

De même l'annonceur devra rendre accessible sur son site un “rapport de synthèse décrivant l'empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées”.

La loi climat et résilience pour lutter contre le greenwashing

Éviter les erreurs de communication: mettre en place une stratégie climat rigoureuse.  

Etape 1 : la réduction avant la compensation

Les rapports du Giec sont formels : l’urgence absolue est la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Planter des arbres ne suffira pas, il est indispensable d’implémenter des stratégie bas carbone robustes qui passeront nécessairement par 3 étapes clefs :

  1. Cadrer : Mesurer l’impact de vos activités

Faire votre bilan carbone vous permettra de comprendre votre impact environnemental en identifiant vos principales sources d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Tout comme partir en rendez-vous sans connaître le lieu du rendez-vous, entamer une trajectoire bas carbone en entreprise sans être passé par l’étape du bilan n’a pas de sens.

  1. Réduire : réduire vos émissions de GES

Lors de cette étape vous définirez à partir de votre bilan carbone les objectifs et changements stratégiques propres à une trajectoire bas carbone. Vous pourrez par exemple passer par des standards internationaux tel que SBTi.
Cela peut passer par le changement d’équipement ou de processus, l’optimisation des déplacements professionnels, l’analyse du cycle de vie de la biomasse utilisée, l’achat de matières premières plus responsable, la conception de produit/service à moindre impact…

  1. Regénérer : contribuer positivement à la réduction d’autrui ou à la séquestration de carbone hors de sa chaîne de valeur

Concernant la régénération, il existe 2 solutions principales :

  • l’achat de crédits carbone afin de soutenir des projets de séquestration carbone existant
  • la participation au montage de projets en lien avec l’activité de l'entreprise

Contribuer à la neutralité carbone : 3 étapes clés

Étape 2 : être clair sur le périmètre

Il est important de noter qu’aucun produit ou service n’est neutre en carbone, malgré tous les efforts de compensation des émissions. En effet, compenser ses émissions ne veut pas dire annuler ses émissions, et l’impact carbone de production, d’utilisation, de recyclage ou encore de transport est réel. Déculpabiliser le consommateurs en lui présentant son produit comme étant neutre en carbone est donc une pratique dangereuse que l’on peut qualifier de greenwashing.

D’autres part, lors de son bilan carbone, il est essentiel de ne pas négliger le scope 3, c'est-à-dire les émissions indirectes, qui peuvent représenter bien plus que le scope 1 et 2. Se baser uniquement sur les émissions directes, les scopes 1 et 2, revient pour un médecin à soigner un symptôme en oubliant la maladie.

Par exemple dire qu’une voiture électrique est “zéro émission” c’est oublier les émissions liées aux mines produisant les matériaux de la voiture et de la batterie, les émissions des infrastructures de transformation de ces matériaux, du transport, de la gestion des batteries usagées …

Incitation à consommer : greenwashing

Étape 3 : éviter le terme de “neutre en carbone”


La séquestration n’annule pas les émissions !

Comprendre le mécanisme de la compensation carbone, c’est comprendre que compenser ses émissions en finançant des puits de carbone ne revient pas à être neutre en carbone. Il est donc important de prendre conscience que chaque tonne de CO2 rejeté à un impact non-négligeable sur l’environnement.
D’un simple point de vue mathématique, il y a évidemment un décalage temporel entre le moment où les émissions sont émises et le moment où elles sont séquestrées par le mécanisme de la photosynthèse.    

De cette manière, les émissions carbone seront effectivement stockées au bout de 5, 10 ou 30 ans ; et cela selon les prévisions, qui n’assure pas à 100% l’impact futur des mécanismes de stockage.

Aussi, se proclamer neutre en carbone revient à oublier que toute activité humaine n'émet pas uniquement du dioxyde de carbone mais également du CH4, du N2O, et du HFC, qui sont autant de gaz à effet de serre extrêmement nocifs pour l’environnement.

Stocker ses émissions n’est pas équivalent à ne rien émettre : un enjeu de temporalité et d’équivalence

Compenser ou contribuer ?

Le terme de compensation carbone renvoie à l’idée qu’il serait possible d’annuler ses émissions de GES par l’achat de crédit carbone. A l’inverse, la notion de contribution à l’objectif de neutralité carbone mondiale indique clairement que l’achat de crédits carbone fait partie d’un effort collectif, d’un engagement pour la planète.

En outre, la contribution elle-même n’est que greenwashing si elle n’est pas accompagnée d’une politique bas carbone rigoureuse.

Encore une fois, stocker ses émissions n’est pas équivalent à ne rien émettre, c’est pourquoi :

  • il ne faut pas encourager le consommateur à la consommation
  • il faut rester humble sur ses impacts
  • il faut faire attention à la véracité de sa communication et aux mots utilisés




Étape 4 : Rester vigilent sur les raccourcis

Lors de votre communication sur votre stratégie climat et les actions de contribution carbone, il est important de rester humble.

En clair,

  • Réfléchissez bien à l’impact de vos projets de contribution carbone: tous ne stockent pas du carbone !
  • N’encouragez pas le consommateur à consommer plus : nous ne resterons pas en dessous des 2° sans plus de sobriété !
  • Restez humbles sur les ordres de grandeur de vos impacts.
  • Faites relire vos communications par des spécialistes, comme Greenflex !

Quelles sont les 6 règles de la contribution carbone à retenir ?

En conclusion, voici un résumé des 6 règles essentielles de la contribution carbone et quelques bonnes pratiques :

  1. Réduisez vos émissions au maximum avant de « contribuer » ailleurs : « Planter des arbres » ne suffira pas, soyez ambitieux et choisissez des projets à impact et co-bénéfices
  2. Soyez précis dans vos propos ! Vous ne donnerez jamais trop de détails ou de précision d’actions concrètes, et cela se présente comme une véritable preuve.
  3. Gardez en tête qu’une émission « compensée » ne vaudra jamais une émission évitée : chaque tonne de CO2 rejeté à un impact sur l’environnement
  4. Évitez toute publicité qui pourrait être amenée à déculpabiliser le consommateur et donc à le pousser à la consommation
  5. La neutralité n’est un terme qui ne s’utilise qu’à l’échelle mondiale. Préférez « contribuer à la neutralité carbone » ; votre entreprise ou produit ne sera jamais neutre
  6. Soyez transparent dans le périmètre d’actions et restez humbles : vous ne pourrez jamais prendre 100 % de votre impact en compte, et c’est normal.

Comment réduire l’empreinte carbone de son entreprise ?  

Plusieurs leviers existent pour réduire l’impact carbone de votre entreprise:

1. Le levier de l’énergie et de la mobilité.
• Accélérer le renouvellement d’ équipements
• Optimiser ses flux logistiques
• Repenser les déplacements professionnels et les flottes de véhicules

2. Le levier de la Biomasse.
• Analyser les pratiques de ses fournisseurs en intégrant l’analyse du cycle de vie de la biomasse concernée

3. Le levier des achats et produits.
• Renforcer ses pratiques d'achats vers des fournisseurs plus responsables et qui ont eux-mêmes une stratégie ambitieuse
• Eco-concevoir ses produits pour réduire leur empreinte carbone à l'utilisation et au traitement en fin de vie
• Sourcer ses matières premières localement pour réduire les distances parcourues

4. Le levier des processus.
• Améliorer l’efficacité des processus chimiques
• Remplacer des fluides frigorigènes par des systèmes au CO2 ou NH3
• Réduire les fuites de fluides

Définir une stratégie carbone pour les entreprises

Quelle est la place de la contribution dans une stratégie climat réussie ?

Voici donc la place de la contribution carbone dans une bonne stratégie bas carbone :

  1. Réduire fortement ses émissions, avant toute chose
  2. L’intégrer à sa chaîne de valeur
  3. Privilégier les certifications
  4. identifier les co-bénéfices : preuve de la viabilité d’un projet



Quelles sont les solutions pour financer l’accroissement des puits de carbone ?

Plusieurs solutions existent pour financer des puits de carbone et participer ainsi à la neutralité carbone planétaire.

1. Acheter des crédits sur étagère.
Des démarches rapides et peu coûteuses

▪ Faisabilité assurée et rapidité des démarches
▪ Possibilité de choisir aisément les volumes de crédits carbone souhaités et possibilité de négociation des prix
▪ Projets existants et de grande variété (forestiers, EnR, …)


Mais une très mauvaise perception par la société civile

▪ Accusations de greenwashing : prix très faibles de certains projets ne justifiant pas un « réel effort » de la part des entreprises

▪ La question des relations avec les communautés locales souvent mal ou peu prise en compte


2. Participer au montage des projets en lien avec l’activité de l’entreprise

Des démarches plus engageantes

▪ Temps d’obtention plus long des crédits carbone
▪ Coût de réalisation supérieure à la tCO2 eq

Mais aux impacts plus forts et reconnus
▪ Engagements opérationnel et financier perçus comme plus forts
▪ Possibilité de générer des cobénéfices sociaux et environnementaux beaucoup plus forts (et répondre aux attentes de la société civile)

Pourquoi investir dans des projets carbone locaux ?
En fait agir pour la conservation ou la restauration des puits de carbone à l’échelle locale (dans les pays d’implantation des entreprises) est toujours recommandé pour ne pas aggraver les phénomènes d’injustice climatique.

Quelle est la place de la contribution dans une stratégie climat réussie ?

1/ Réduire fortement ses émissions.
Faire un effort significatif de réduction des émissions de GES
Ex : viser 85 % de réductions absolues d’ici 2050

2/ S’intégrer à sa chaîne de valeur.
Choisir des projets de contribution dans sa chaîne de valeur (insetting) et privilégier des sujets qui ont du sens.
▪ Financer des éleveurs avec le Label Bas Carbone
▪ Développer des projets de production de fruits en agroforesterie familiale ▪ Créer des couloirs écologiques entre des exploitations

3/ Privilégier les certifications.
S’appuyer sur des labels / standards reconnus pour le choix des projets (Gold Standard et VCS)

4/ Identifier les co-bénéfices

Choisir des contributions positives qui intègrent des co-bénéfices tels que :
• Implication des communautés locales
• Impact favorable à la biodiversité
• Egalité homme femme
• Accès et qualité des ressources en eau
• Action auprès des publics précaires


Greenflex, qu’est ce que c’est ?

Greenflex est une entreprise d’accompagnement des entreprises dans leur trajectoire environnementale et bas carbone. Cet accompagnement passe par le conseil, la mise en œuvre des projets et le financement de ces derniers.

Camille Poutrin, intervenante au CarbonConnect

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